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vie, avec de la passion, des cris, de l’âme enfin !… Dix fois Leconte de Lisle dut recommencer le poème, presque sous la dictée de Franz. Et c’est au point que l’on peut dire de l’Apollonide, drame, qu’il est bien plus de Franz Servais que de Leconte de Lisle… J’ai tenu à raconter cette anecdote pour montrer que Leconte de Lisle n’était pas toujours aussi farouche qu’on le disait, et pour donner aussi une idée des scrupules, de la conscience d’artiste de Franz Servais.

On connaît l’histoire tragique de cette œuvre, à l’accomplissement de laquelle Franz Servais dépensa quinze ans de sa vie. Œuvre énorme et magnifique, où l’auteur s’est mis tout entier, où il a prodigué plus d’inspiration, plus de science, plus de beauté, que d’autres — et des meilleurs — dans vingt de leurs œuvres. Le métier en est sûr, souple, très sobre,