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point trop petit, trop laid, trop mal bâti, pour être accepté de ces terribles Jésuites, que les moqueries de la vieille fille revêtaient d’un caractère plus troublant, et d’une plus inexorable sévérité ; il se demandait si, vraiment, il ne serait pas plus heureux en apprentissage. Durant une minute, il le voulait ; et, la minute d’après, il ne le voulait plus. Il ne savait pas, toutes ces choses lui semblant, désormais, pareillement douloureuses. Ce qu’il savait, c’est que, dans la persistante lutte de deux volontés contraires, dans cet antagonisme incessant des résolutions prises et déprises, il avait perdu le repos et le bonheur. Poursuivi par les paroles de sa tante, sourdement travaillé par les démoralisantes constatations que la vie lui apportait, plus nombreuses chaque jour, il sentait aussi, malgré ses révoltes contre les calomnies de la vieille femme, et ses remords de les écouter, il sentait diminuer son affection, son respect pour son père. Dans l’espoir de solidifier des sentiments de tendresse qui craquaient, maintenant, de toutes parts, il prenait l’habitude de l’observer, s’ingéniait à le comprendre ; mais il perdait pied dans le vide de cet esprit, se heurtait au mur de ce cœur égoïste, qui se dressait, ainsi qu’une séparation entre les deux natures. Plus par intuition que par raisonnement, il découvrait qu’aucun échange d’émotions pareilles, que pas un rapprochement de commun amour n’était possible entre eux, si étrangers l’un à l’autre. Tout, dans les actions, dans les discours de son père, le désenchantait, le blessait. Durant les repas, souvent interrompus par les coups de timbre du magasin, les allées et venues des clients, sa façon de manger, gloutonne