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fatigue continue des longues marches et des incessantes manœuvres, sans changer le cours de ses idées, le ralentirent beaucoup et lui redonnèrent un peu plus de calme d’esprit. Il n’avait plus le temps de penser. Son père venait le voir chaque dimanche, passait la journée avec lui. L’exaltation de M. Roch était bien tombée. La défaite si brusque, les successives catastrophes l’avaient accablé et commençaient à l’inquiéter sérieusement pour Sébastien. Il ne parlait plus de « s’organiser », songeait au contraire à abandonner la mairie, devenue lourde de responsabilités de toutes sortes.

La dernière semaine, il ne quitta pas Mortagne ; on le vit qui rôdait toujours autour du champ de manœuvres, ou bien posté dans les rues et sur les routes, qui regardait défiler le bataillon.

— Te manque-t-il quelque chose ? As-tu assez de flanelle ? interrogeait-il souvent, anxieux et tendre ; sapristi, je ne veux pas qu’on puisse dire que mon fils n’a pas ce qu’il lui faut…

Un jour il lui demanda :

— Mais qu’est-ce que tu as fait à Mme Lecautel ?… Elle n’est pas contente de toi… Il paraît que tu n’es pas allé lui dire adieu ?… Tu sais que la petite Marguerite est très malade ?

— Marguerite ? s’écria Sébastien qui sentit un remords lancinant monter en lui.

— Elle est très malade… reprit M. Roch… Elle a la fièvre… elle tousse, déménage… Sa mère est aux cent coups… Enfin elle est très mal… ce n’est pas bien… tu aurais dû leur dire adieu !…

Malgré ses appréhensions de la guerre, Sébastien fut presque heureux de partir. Il trouvait son