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— Je te le promets, Marguerite.

— Vrai ?… tous… tous les soirs ?… Embrasse-moi encore.

Il la serra contre sa poitrine, dans un élan d’immense et impuissante pitié.

La lueur rose grandissait, plus rose, envahissait le firmament. Les étoiles avaient des vacillations de lampes qui s’éteignent.

— Eh bien, rentrons ! dit Marguerite.

Un homme passait sur la route en sifflant. Ils durent attendre que les pas se fussent éloignés. Puis ils s’engagèrent dans les petits chemins de traverse qui contournent le bourg. Alerte et vive, Marguerite gazouillait.

— Tu ne sais pas à quoi je pense ?… Eh bien, je voudrais qu’on nous vît tous les deux !… Parce que, tu comprends, nous n’aurions plus besoin de nous cacher, et que moi j’irais habiter avec toi, ou toi avec moi !… C’est ça qui serait gentil, tout le temps à s’embrasser, tout le temps !…

S’arrêtant brusquement, rieuse et drôle :

— Tu sais que tu m’as fait très, très mal ?…

Et comme Sébastien, ne comprenant pas, l’interrogeait, elle lui prit la tête, la baisa.

— Oh ! chéri !… chéri !… chéri… que je t’aime !

Il la quitta à l’entrée d’une venelle sombre qui conduisait à la poste ; et jusqu’à ce qu’il ne l’entendit plus bondir sur les cailloux, il resta là, suivant ce rêve qui fuyait, et dont il ne voyait plus qu’une ombre, perdue dans de l’ombre, et, dans cette ombre, un bout d’étoffe plus pâle, qui bientôt disparut.

Sébastien rentra chez lui, l’âme troublée de