une contrée de lumière, dans une sorte de féerique palais, à travers des nefs spacieuses et des colonnades où des êtres charmants et bons venaient vers lui, vêtus de longues robes brillantes qui faisaient, en glissant, un doux bruissement de soie, ce pendant que, sur les vitres brouillées de la porte qui séparait la salle à manger du magasin, se mouvait ironiquement l’ombre démesurée de son père.
Les jours passèrent, pleins d’anxiétés différentes. Sébastien restait à la maison et ne sortait qu’accompagné de M. Roch, qui veillait scrupuleusement à ce qu’aucun des camarades de son fils ne pénétrât près de lui : « Les Jésuites ne veulent pas… Allez-vous-en ! » leur criait-il, lorsque, surpris de ne plus rencontrer nulle part Sébastien, ils venaient le relancer jusque dans la boutique. L’apprenti, un gamin de quinze ans, eut l’ordre de ne plus tutoyer le fils du patron et de lui prodiguer les plus grands respects : « Tu l’appelleras, dorénavant, monsieur Sébastien. La situation n’est plus la même, » expliqua le quincaillier. Lui-même avait jugé nécessaire et digne de mettre plus de hauteur dans ses relations avec les voisins, de les tenir à distance, sans toutefois les priver du régal quotidien de sa conversation. Au contraire, de jour en jour, son éloquence grandissait, s’exubérait. En même temps, il redoublait de conseils mille fois rabâchés, d’aphorismes saugrenus, de raisonnements magistraux qui jetaient l’enfant dans des ahurissements profonds. Excédé de l’entendre répéter à tout propos : « Je ne sais si je me fais bien comprendre ? Saisis-tu bien toute la por-