cet enseignement déprimant et servile, par un instinct de justice et de pitié, inné en moi, ces terreurs et cet asservissement m’ont imprégné le cerveau, empoisonné l’âme. Ils m’ont rendu lâche, devant l’Idée. Je ne puis même imaginer une forme d’art libre, en dehors de la convention classique, sans me demander en même temps : « N’est-ce pas un péché ? » Enfin, j’ai l’horreur du prêtre, je sens le mensonge de la morale qu’il prêche, le mensonge de ses consolations, le mensonge du Dieu implacable et fou qu’il sert ; je sens que le prêtre n’est là, dans la société, que pour maintenir l’homme dans sa crasse intellectuelle, que pour faire, des multitudes servilisées, un troupeau de brutes imbéciles et couardes ; eh bien, l’empreinte qu’il a laissée sur mon esprit est tellement ineffaçable que, bien des fois, je me suis dit : « Si j’étais mourant, que ferais-je ? » Et, malgré ma raison qui protestait, je me suis répondu : « J’appellerais un prêtre ! »
Ce matin, je suis allé voir Joseph Larroque, un de mes anciens petits compagnons de l’école. Il se meurt de la poitrine. Déjà, l’année dernière, le terrible mal a emporté sa sœur, plus âgée que lui. Ses parents sont des ouvriers pauvres, paresseux, dévots et qui vivent des dessertes de l’église. Le père Larroque est frère de Charité, et il ambitionne la place de sacristain. Le curé s’intéresse à lui. Sur ses prières, il a fait entrer Joseph au petit séminaire, puis au grand, où le pauvre garçon n’a pu rester, à cause de sa maladie. Il est revenu au pays, et s’est alité. Je vais lui tenir compagnie quelquefois. Il est couché dans une petite pièce, sombre, malpropre et qui sent mauvais. Il n’a