Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tenez, voyez cet ange, dit-il… Il vous ressemble… Il est joli comme vous…

Sa voix tremblait. En tournant les gravures, ses doigts avaient des mouvements saccadés, et son visage était plus pâle.

Sébastien se sentit mal à l’aise, prétexta que l’odeur l’incommodait et désira sortir. Il venait de revoir, avec un frisson, entre les paupières bridées, ce regard lourd qui, si longtemps, avait pesé sur lui.

La nuit suivante, il se réveilla en sursaut, au milieu d’un rêve pénible… des diables qui l’emportaient dans leurs bras velus. Et ouvrant les yeux, il vit penché sur son lit, une ombre, une grande ombre toute noire. Et cette ombre, c’était le Père de Kern. La pâle lumière des lampes baissées qui rampait au plafond, l’éclairait à peine ; à peine si elle découpait sur la cloison le contour perdu de sa silhouette familière. Pourtant, il le reconnut, à ce regard inoubliable qui, maintenant, fulgurait dans la nuit. La couverture défaite, était rejetée vers le pied du lit ; et ses jambes étaient nues. Sébastien s’effraya, poussa un cri, mit devant lui ses mains, en bouclier, comme pour se défendre contre il ne savait quel danger imminent.

Illustration de H.-G. Ibels, 1906

— N’ayez pas peur, mon enfant, lui dit le Père, d’une voix douce et murmurée… C’est moi… Je vous ai entendu vous plaindre, et j’ai craint que vous ne fussiez malade… Alors, je suis venu… Vous rêviez, sans doute ?… Allons, remettez-vous… Voyez comme vous êtes agité…

Il ramena la couverture sur les épaules du petit, reborda le lit avec une vigilance maternelle.