Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

versait, sur la pierre vide, ses longs pleurs grêles.

— C’est gentil, n’est-ce pas ?… C’est simple… Et ça, tenez !… Lisez ça !

Gravement, il désigna l’inscription gravée, en lettres rouges, sur la table funéraire :


ICI

REPOSE

LE CORPS

DE

M. JOSEPH-HIPPOLYTE-ELPHÈGE ROCH

MAIRE DE PERVENCHÈRES

SUPPLÉANT DU JUGE DE PAIX, etc., etc.,

DÉCÉDÉ DANS SA… ANNÉE, LE… 18…

PRIEZ POUR LUI !


— Je l’ai rédigée moi-même…, fit-il. Maintenant on n’a plus qu’à remplir les blancs.

Et revenant à sa première pensée, il répéta d’une voix élégiaque :

— Si vous aviez voulu !… Il y aurait eu deux noms et deux places !

Puis il regarda, d’un air attristé et méprisant, les tombes délaissées, les petites croix de bois qui se penchaient, disjointes et pourries, sur des fleurs fanées, et il murmura en haussant les épaules :

— Enfin ! Vous n’avez pas voulu… Quant à moi, je suis sûr que mes héritiers ne me laisseront pas sans une sépulture convenable… Et c’est quelque chose, allez !…

M. Roch, seul, confectionna son cercueil. Le bois en fut, par lui, méticuleusement choisi parmi de nombreuses planches en cœur de chêne, très sèches, très solides, et très marquées de veines. De temps en temps, il l’essayait devant le secré-