blaient postés devant ses désirs de connaître, de sentir, de s’élever, comme les gardiens revêches, défendant l’entrée du parc sonore et fleuri, du parc où sont les fleurs splendides, où sont les subtils oiseaux, où l’on voit les radieuses fuites de ciel, entre les branches balancées ! Cette découverte, cette illumination soudaine du Verbe, lui rendirent plus pénibles ses devoirs. Pour les oublier mieux et les mieux supporter, il copia des vers, et il dessina davantage, surpris parfois de retrouver, entre l’ordonnance des lignes, dans le dessin, et la cadence des rythmes, dans les vers, des analogies mystérieuses et d’identiques lois. Les confiscations réitérées de ses barbouillages et de ses cahiers, les arrêts, les mises au pain sec fréquentes ne le rebutaient pas, ajoutaient au contraire, à sa jouissance, l’excitant de la persécution. Cependant, il eut un jour un étonnement. Comme la récréation finissait, le Père de Kern, son maître d’étude, vint à lui et lui remit ses cahiers. C’était un prêtre joli, aux yeux obliques et langoureux, à la démarche un peu lente, et dont les gestes avaient des inflexions molles de nonchaloir, presque de volupté. Il se pencha sur Sébastien, de façon à effleurer de son souffle le jeune visage de l’élève, et d’une voix suave :
— Je vous les rends, dit-il… Mais cachez-les bien, pour que je n’aie pas à vous les reprendre.
Puis, il considéra Sébastien d’un regard trouble, où des flammes passaient, vite éteintes sous le voile clignotant des paupières. Ce regard gêna Sébastien, d’instinct, et le fit rougir comme s’il avait commis une faute secrète, mais il n’eût pu dire pourquoi…