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il prêt ? interrogea-t-elle. Et se retournant aussitôt vers moi, elle me demanda : Vous devez avoir faim, depuis ce matin que vous êtes en route ?… Ah ! dame, chez nous, vous savez, à la fortune du pot !… Parce qu’on est riche, ce n’est point une raison de ne manger que des truffes et de gaspiller la nourriture… Allons déjeuner !… Dis donc, Lechat, ce monsieur boit sans doute du cidre ?

— Certainement qu’il boit du cidre, affirma résolument Lechat qui m’entraîna dans la salle à manger, en me répétant, tout bas à l’oreille.

— Ne fais pas attention à la patronne ; elle n’a pas d’usage.

Le déjeuner fut exécrable. Il ne se composait que de restes bizarrement accommodés. Je remarquai surtout un plat fabriqué avec de petits morceaux de bœuf jadis rôti, de veau anciennement en blanquette, de poulet sorti d’on ne savait quelles lointaines fricassées, le tout nageant dans une mare