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et qu’elle boive, jusqu’à la dernière goutte, l’amère rosée des larmes que je fais couler. Je pousserai sur elle le poitrail fumant de mes chevaux, et je la broierai sous les roues de mes chars. Tant qu’il existera non seulement deux peuples, mais deux hommes, je brandirai mon glaive, je soufflerai dans mes trompettes, et ils s’entretueront. Et mon corbeau s’engraissera dans les charniers.

L’Humanité

N’es-tu donc point lasse de toujours tuer, de toujours marcher dans la boue sanglante, à travers les plaintes et la fumée rouge des canons ? Ne peux-tu donc te reposer et sourire ? Ne peux-tu, un instant, rafraîchir à l’air libre tes poumons brûlés par la poudre, aux sources qui chantent sous les lianes, ta gorge altérée par les hurlements ? Vois les contrées que je garde ; elles sont magnifiques. La vie bout dans leurs artères, florit sur leurs faces rubicondes de santé, leur