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clerc de Me Bernard a la passion de la chasse à courre, bien qu’il n’ait jamais chassé, mais il s’en console en citant à tout propos le nom des piqueux célèbres, des grands veneurs, et en sonnant de la trompe, chaque soir, après dîner, dans la petite chambre qu’il occupe à l’hôtel. Le jour de son arrivée, il a cru devoir faire sa profession de foi aux convives de la table d’hôtes : « Je suis républicain, messieurs, mais il faut être juste en tout ; eh bien, pour sonner de la trompe, il n’y en a pas comme Baudry-d’Asson ».

Le receveur de l’enregistrement est un jeune homme rangé, triste, ponctuel et très propre. Il mange beaucoup et parle peu. On ne lui connaît pas d’autres distractions qu’une promenade d’une heure au bord de la rivière, dans la journée, et, le soir, la lecture des vers de M. Coppée et des romans de M. Ohnet. À une époque, il aimait à s’oublier parfois, au bureau de tabac, où trône la belle Valentine ; il lui prêtait Serge Panine et copiait pour elle quelques vers du Passant,