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bonheur, mais aujourd’hui tout cela est bien changé.

Maintenant les vaches et les grands bœufs ont déserté les prairies desséchées. Plus un champ de blé, plus un champ d’orge, plus un champ d’avoine. Le trèfle et le sainfoin ne poussent plus dans cette terre stérilisée. Plus de fermes où l’on entend le fléau battant l’aire des granges. Les haies elles-mêmes ont été rasées. On dirait qu’un mauvais vent est passé qui a détruit toute cette gaieté du sol et pompé toute la sève de ce pays.

Sur un espace de six kilomètres, à droite et à gauche de la route, jusqu’à la lisière de la forêt, les champs jadis chargés de moissons dorées et de récoltes bienfaisantes, sont plantés de mahonias grêles, et de place en place, on a semé un peu de sarrazin qu’on laisse pourrir sur pied. Les clôtures hérissent leurs piquets de bois pressés l’un contre l’autre et défendent les approches de ce domaine infranchissable, où se pavane