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sans compter, tous les trésors de bonté passive et de vertu soumise qui étaient en elle. Elle ne voyait que son mari, n’entendait que lui, n’était heureuse que par lui, et, bien qu’elle fût très belle et, partant, très courtisée, elle passait, au milieu des hommages du monde, indifférente à ce qui n’était pas son mari, sourde à ce qui ne venait pas de lui, sans retourner la tête, une seule fois, aux désirs qui suivaient la traîne de ses robes et toujours voletaient autour d’elle. Ce qui faisait dire aux femmes, avec des moues de léger dédain, que « la petite » manquait d’esprit, comme si la bonté et la vertu n’étaient pas le véritable esprit de la femme. Marcelle eut ainsi trois années d’un bonheur que pas un nuage ne vint, un seul instant, assombrir.

Un jour, à la chasse, le comte de Savoise, sautant un mur, tomba de cheval si malheureusement qu’on le ramena au château, le visage sanglant, le crâne fendu, se mourant. Il succomba dans la nuit. De ce coup