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Il poursuivit :

— Je suis commis à cheval… C’est-à-dire que j’en ai le titre et que je n’en ai pas le cheval… Commis à cheval, sans cheval… Dérision, n’est-ce pas ! ironie, antithèse ! car…

Notre cheval à nous, seigneur, ce sont nos jambes.

Et d’un geste de pitié, le poète me montra ses longues jambes étiques que terminaient des souliers lamentables, hideusement éculés.

— Mais il ne s’agit pas de cela, reprit Hippolyte Dougère… Si je vous dévoile ma profession, — bâillon, carcan, boulet —, ne croyez pas que je m’en vante… Oh ! non ! C’est uniquement pour vous dire : « Vous avez devant vous un commis à cheval, un rat de cave à cheval… »

Il prononça ce mot, en ricanant amèrement, comme s’il voulait résumer toutes ses protestations contre l’injustice des répartitions sociales.