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lades sonores, le de profundis du soleil qu’il ne contemplerait plus ; il voyait les voisines s’arrêter sur le seuil, tendre le cou, marmotter quelques paroles d’une voix basse, et s’en aller, traînant leurs sabots dans le chemin, mais tout cela ne l’intéressait pas. Isidore, en veston quadrillé, le chapeau sur la tête, épluchait les champignons qu’il avait cueillis dans le bois, Fanchette, les cheveux plus ébouriffés que jamais, tricotait, indolente, une capeline de laine noire, et la Duguette, très affairée, les manches de sa robe relevées jusqu’au coude, troussait magistralement un poulet, pour le repas du soir. Il ne perdait aucun des gestes de sa femme et son regard — le regard suprême que les mourants s’efforcent d’arracher à la terre pour le plonger au vide des éternités mystérieuses qui s’ouvrent devant eux — son regard allait de sa femme au poulet. Et voilà ce qui l’absorbait tout entier à cette heure auguste et terrible ! Le poulet ! Le poulet qui synthétisait les rancunes de