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sée ! » Et à la pensée que « l’moustachu » se trouvait malheureux et ridicule, qu’il pleurait peut-être, qu’il n’osait plus se montrer dans les rues, les petits yeux du vieux paysan se bridaient, sous un rire cruel, atroce, sinistre.

À partir de ce moment, ses allures s’adoucirent un peu vis-à-vis de sa fille, qui le vengeait de François Béhu. Il daignait plaisanter avec elle, et il se surprit même, dans un élan de reconnaissance, à l’embrasser sur les deux joues, ce qui ne lui était pas arrivé depuis dix ans. Lorsque, le dimanche, ils se trouvaient tous réunis, quoiqu’il fût resté intraitable sur la question de la volaille et des lapins, il causait, s’animait, racontait des histoires de « cocus » cyniques, obscènes, et son regard méchant allait sans cesse de Fanchette, toujours rieuse, à Béhu, triste et soucieux. La tristesse de son gendre qu’il n’avait remarquée que depuis qu’il connaissait ses malheurs conjugaux, lui était une douceur qui le payait de toutes