Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je crains bien qu’il ne passe pas la nuit, répondit-il.

— C’te nuit même ? Ainsi ! voyez-vous ça !… si c’est Dieu possible !

— Allons, au revoir ! dit le médecin en remontant dans son cabriolet… les chemins sont rudement mauvais par chez vous…

Et la voiture s’éloigna, en dansant sur les ressauts de la route, glissant dans les ornières, d’où la boue giclait.

Demeurée seule, la mère Dugué, d’une main se grattant le nez, de l’autre ramenant sur la hanche le bas de son tablier, réfléchit un instant, puis elle se décida à traverser le petit verger qui attenait à la maison, à l’extrémité duquel, derrière la haie, entre les pommiers, on apercevait une masure couverte de chaume. Elle héla :

— La Garnière ! hé ! la Garnière !… Hééé…

Au bout de quelque temps, on entendit un bruit traînant de sabots, et une vieille femme se montra à travers les branches.