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gnait que je ne dégelasse. Quand un ami venait rendre visite à mon savant, on descendait à l’endroit où je me morfondais en mon gel. Celui-ci me prenait dans sa main et me jetait violemment contre un mur : « Qu’est-ce que c’est ça, le savez-vous ? », demandait-il. « C’est un crapaud en bois. » — « Pas du tout, c’est un crapaud gelé, et il vit, et je le dégèlerai, et cela fera une révolution à l’académie ». C’étaient, à ce propos, des discussions qui n’en finissaient plus. Je fus, en effet, dégelé en grande pompe et me mis aussitôt à sauter comme un cabri. Tout l’Institut était là ; on n’en revenait pas. Je profitai de l’effarement général pour m’enfuir, car je ne doutais pas que tous ces gens ne voulussent recommencer des expériences sur mon dos… On m’a conté depuis que le savant a écrit trois volumes in-quarto, sur mon aventure… Quelle pitié !


Je ne sais pourquoi l’idée me vint de lui donner un nom, et je l’appelai : Michel. Il