Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’âme était infiniment plus immonde que celle du crapaud ! Car, n’en doutez pas, s’il est vrai que l’homme possède une âme, le crapaud, le pauvre crapaud, en possède une aussi, et combien meilleure ! L’avez-vous observé quand, après avoir aidé sa femelle à se débarrasser de ses œufs, il enroule lui-même autour de ses propres cuisses, les précieux chapelets ? Il les porte partout avec lui, plus prudent, plus ingénieux que jamais, de façon à ce qu’aucun de ces œufs ne se détache, et lorsqu’ils sont près d’éclore, il les dépose dans une mare, au meilleur endroit, et les défend courageusement contre les salamandres et les mourons.

Il n’y a pas, dans toute la création, un être plus haï que le crapaud. Les femmes, à sa vue, poussent des cris d’horreur, et si, par malheur, son corps a frôlé le bout de leurs jupes, elles s’évanouissent. L’ignorante brutalité du passant lui déclare une guerre sans merci. Quand, après les averses, on le rencontre par les chemins, qui sautille