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dessus le bordage et son corps tomba dans la mer, lourdement.

Le mousse, épouvanté, poussa un cri et s’évanouit.

Le soleil avait disparu derrière la ligne d’horizon, ne laissant plus au ciel qu’une faible lueur rougeâtre. L’ombre, peu à peu, se faisait, solennelle et terrible, et l’on n’apercevait plus rien que l’eau blanchissant par endroits, comme un suaire, et la lumière des phares qui saignait funèbrement sur la mer.


Les hommes courbés sur les avirons ramaient, de toute la vigueur de leurs bras, et la chaloupe fuyait. Pierre Kerhuon était assis à la barre. On se consultait sur ce qu’on devait faire.

— Il faut noyer le mousse, dit Kerhuon. Il parlera et nous sommes perdus.

Une voix faible qui semblait sortir de l’ombre et courir sur le clapotement de la mer, arrivait jusqu’au bateau.