Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allons, dépêchons, dit Jean Donnard, en continuant de dévider les filets que Pierre Kerhuon disposait symétriquement au fond de la chaloupe.

Mais Pierre Kerhuon s’arrêta et, sans regarder son compagnon :

— Jean Donnard, dit-il d’une voix qui tremblait un peu, tu ferais bien de ne pas sortir aujourd’hui… tu ferais bien.

Jean Donnard haussa ses larges épaules, et ne répondit pas.

— Jean Donnard, reprit le marin, je te dis que tu ferais bien de ne pas sortir aujourd’hui. M’entends-tu ? Je te dis que tu ferais bien.

Donnard regarda le ciel au-dessus de lui ; puis, là-bas, la mer qui, par-delà une mince bande de terre, s’étendait immense et profonde.

Le ciel était sans un nuage ; la mer brillait, sous le soleil, sans un frisson. Et il dit :

— Assez, n’est-ce pas ? Avec vous autres, tas de fainéants, c’est toujours la même