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défonce, culbute et encombre de galets. Resserrée à cet endroit entre de hautes falaises, elle est toujours furieuse, s’acharne contre les galets, bouillonne, se tord et retombe en volutes blanchissantes. Puis, c’est sur la hauteur nue des dunes, une pauvre chapelle pareille à une grange abandonnée, Notre-Dame-du-Bon-Voyage, pèlerinage fréquenté des marins ; puis Plogoff, et ses masures croupissant dans la saleté et la vermine, ses champs sombres et tristes où le paysan lutte désespérément avec la lande et la pierre. Enfin voici la Pointe du Raz.

Que de fois, couché sur ces rochers qui plongent dans la mer, sur ces rochers déchirés, calcinés, entaillés sinistrement, creusés en gouffres mugissants et pareils à l’enfer, que de fois j’ai admiré l’admirable et poignant spectacle de cette mer verte, au vert impitoyable et cruel qu’ont parfois les yeux des femmes ! Elle se déploie, immense, infinie et toujours colère, parsemée de récifs qui montrent au-dessus de l’eau leurs têtes