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rai-je pas, un jour, près de lui, assis sur ton derrière, demandant la charité, une sébile aux dents ?…

Maintenant le côtre file sur une mer calme que frise pourtant un léger vent de sud-est et qui, là-bas, vers la terre, blanchit les rochers de ses vagues écumeuses. Au-dessus de nous, le ciel est bleu, d’un bleu ardent et pâle, le soleil tombe d’aplomb sur l’eau où dansent mille lumières aveuglantes. La côte n’apparaît que comme un trait sinueux d’ombre violette, barré par la flèche à peine visible et grise d’un clocher de village, et plus loin, par un sapin isolé, si effacé et si flou, qu’on le prendrait pour de la fumée s’élevant d’un toit. Et les goëlands volent très haut, décrivant en l’air de larges courbes d’un dessin délicieux, et les cormorans, tout noirs, rasant les flots, se hâtent vers