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pête sonore, à travers les landes désolées hantées des corbeaux et des choucas, au bec jaune ? Revois-tu encore, à l’extrémité du môle, les récifs du Corbeau et de la Gamelle, secouer comme des crinières gigantesques l’écume colère des brisants ! Et ton œil pensif, pauvre chien, suit-il toujours le vol des bernaches et les barques de pêche qui s’effacent là-bas, au lointain mystérieux du large ? Quelles belles choses la mer te disait-elle donc, pour la regarder et l’écouter ainsi ? Quelles nostalgies de poète t’apportait-elle, pour que je t’aie vu pleurer de vraies larmes, des larmes de chien !

Et puis, un beau jour, tu es parti !… C’est qu’il le fallait, n’est-ce pas !… La veille du jour où tu m’as quitté, nous avions rencontré un vieil aveugle. On lui avait volé son chien… Avec quel désespoir, il nous racontait son malheur !… Il se guidait péniblement avec son bâton… Je lui donnai quelques sous, et toi, tu lui léchas la main… N’es-tu point allé le retrouver et ne te ver-