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que vous le soyez plus que votre grade.

— C’est la même chose… criait le vaillant guerrier, qui se remettait à marcher dans la pièce, en giflant les meubles, en distribuant des bourrades aux chaises… et en hurlant à pleine gueule :

— Mort aux juifs !… Mort aux juifs !…


Ce soir, le colonel baron de Présalé a présidé le banquet offert par les coloniaux et les patriotes en traitement à X… au général Archinard, « notre hôte illustre », ainsi que dit La Gazettes des Étrangers… C’est au restaurant du Casino que cet événement a eu lieu. Le banquet a été superbe, et que de toasts enflammés ! Comme toujours, le colonel a été éloquent et bref.

— Vive la France, nom de Dieu ! s’est-il écrié, en levant son verre… Si nous n’avons pas, du coup, conquis l’Égypte, chassé les Anglais de Fachoda, les Allemands d’Alsace-Lorraine et les étrangers de partout… ça n’a pas été la faute des banqueteurs…


Il y a quelques années de cela, le général Archinard, désireux d’ajouter, à sa gloire de soldat, un peu de gloire littéraire, fit paraître dans La Gazette européenne une série d’articles, où il exposait ses plans de colonisation. Les plans étaient simples mais grandioses. J’y relevai les déclarations suivantes :

« Plus on frappera coupables ou innocents, plus on se fera aimer. »