— Monsieur, j’ai lu les journaux de ce matin… Eh bien, cela ne va pas du tout… Cela va de mal en pis… Nous ne sommes pas gouvernés… Nous sommes moins gouvernés que les sauvages les plus nus du continent africain… Et, en vérité, je ne sais pas… non, je n’ose pas savoir, je ne veux pas savoir où nous allons… Il n’y a plus de principes en France, monsieur, plus de traditions, plus de religion, plus de morale, plus de respect des lois, plus de patriotisme, plus rien, plus rien… C’est monstrueux !…
— En effet, dis-je, déjà refroidi par ces paroles que je n’attendais pas d’une telle bouche.
M. Émile Ollivier continua :
— C’est monstrueux !… Un gouvernement de désordre et d’ignorance, recruté parmi les plus basses médiocrités provinciales ; un Parlement de pirates à qui, par surcroît, il s’est constitué prisonnier ; et le socialisme comme fond de tableau avec ses meurtres, ses émeutes, ses grèves, toutes ses violences révolutionnaires, érigées en légalité !… Voilà ce que nous avons aujourd’hui… Si, du moins, il existait encore une réserve, une arrière-garde, dans le personnel politique… des hommes comme moi ?… Ah ! oui !… Partout des gens qui ne s’intéressent à rien d’autre qu’à leur fortune personnelle, qui ne pensent à rien d’autre qu’à leurs poches et à leur ventre et qui ont oublié Lamartine… C’est abominable ; cela ne s’était jamais vu, et je ne comprends pas comment la