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Et donnant, un jour, à mes muettes pensées un corps verbal, j’exprimai tout haut :

— Car, enfin, monsieur le ministre, le Louvre brûlera, n’est-ce pas ?

C’était quelques semaines après la catastrophe du Théâtre-Français. M. Leygues répondit, modeste :

— En ce qui concerne la Comédie, c’était prévu, et je n’y ai, croyez-le bien, aucun mérite. Mais les catastrophes de ce genre, de même que notre littérature classique, ont des traditions qui ne sauraient se rompre brusquement. Elles ne se suivent pas, mon cher monsieur, avec cette rapidité. Diable !… Elles obéissent à des lois, ou, si vous aimez mieux, à des rythmes de périodicité, comme les épidémies, les Expositions universelles, les grands gels, les grandes révolutions et les grandes guerres : rythmes dont nous ne connaissons pas bien la nature, mais qui n’en existent pas moins, et dont les manifestations sont calculées, presque mathématiquement, à quelques mois près. Nous avons donc, devant nous, plusieurs années de répit.

— Tant mieux… ah ! tant mieux !

— À cela, continua M. Georges Leygues, viennent s’ajouter des raisons purement matérielles, où je trouve, cela va sans dire, moins de sécurité, mais qui ont aussi leur petite importance… politique, si tant est que l’on puisse attribuer de l’importance, même politique, à des raisons exclusivement