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— Prenez ceci… supplie-t-il… J’ai consigné, dans ceci, tous mes malheurs … Quand vous aurez lu, vous déciderez telles mesures de justice qu’il vous plaira.

— C’est entendu…

— Mais je n’espère rien, je dois vous le dire… Il y a des fatalités tellement étranges, tellement supérieures aux volontés humaines, qu’on ne peut rien contre elles.

— Oui… oui… je vous promets.

Après un court silence :

— Voulez-vous que je vous dise quelque chose, à vous seulement ?

— Dites !

— C’est très curieux.

Et tout bas :

— Il vient ici, quelquefois, un petit papillon… je ne sais trop pourquoi, car il n’y a pas de fleurs ici, et cela m’a longtemps inquiété… Il vient ici, quelquefois un petit papillon jaune… Il est pareil à celui que je vis, cet affreux jour, dans les grosses et malpropres mains du tailleur… Comme lui, il est délicat, frêle et joli… Et il vole gracieusement… C’est délicieux de le voir voler… Mais il n’est pas toujours jaune… Il est quelquefois bleu, quelquefois blanc, quelquefois mauve, quelquefois rouge… cela dépend des jours… Ainsi, il n’est rouge que quand je pleure… Cela ne me semble pas naturel… Et je crois bien… oui, je suis intimement convaincu que ce petit papillon…