Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/439

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oui… ai-je répondu… Et cela m’effraie… et je m’efforce de repousser l’effrayante image…

— Cela t’effraie ?…

Il a haussé les épaules, et il a continué :

— Tu penses à la mort… et tu vas, et tu viens… et tu tournes sur toi-même… et tu t’agites dans tous les sens ?… Et tu travailles à des choses éphémères ?… Et tu rêves de plaisir, peut-être – et peut-être de gloire ?… Pauvre petit !…

— Les idées ne sont pas des choses éphémères, ai-je protesté… puisque ce sont elles qui préparent l’avenir, qui dirigent le progrès…

D’un geste lent, il m’a montré le cirque des montagnes noires :

— L’avenir… le progrès !… Comment, en face de cela, peux-tu prononcer de telles paroles, et qui n’ont pas de sens ?…

Et, après une courte pause, il a continué :

— Les idées !… Du vent, du vent, du vent… Elles passent, l’arbre s’agite un moment… ses feuilles frémissent… Et puis, elles ont passé… l’arbre redevient immobile comme avant… Il n’y a rien de changé…

— Tu te trompes… Le vent est plein de germes, il transporte les pollens, charrie les graines… il féconde…

— Alors, il crée les monstres…

Nous sommes restés un moment silencieux…

Du cirque des montagnes noires, en face de nous, autour de nous, de ces implacables murailles de