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le mobilier. Pas de placard : une simple penderie au-dessus de laquelle était fixée une tringle de fer, où, sur des anneaux, courait un rideau de vieille indienne usée et pourrie, à palmes rouges ; sur un escabeau, près du lit, trônait un vase de nuit, en grès brun, et qui avait été jadis, je pense, un pot à beurre. Et l’odeur du purin montait entre les fentes du plancher.

— Eh bien, vous voilà chez vous, me dit le vieux Bombyx. Ça n’est pas luxueux, mais il ne vous manque rien.

Il allait partir, quand, tout à coup :

— Ah ! J’ai oublié de vous dire… C’est moi qui fais les achats d’avoine, de paille et de foin… vous n’avez pas à vous en occuper… vous n’avez pas le sou du franc sur les fournitures de l’écurie… vous n’avez que vos gages… C’est un principe… ici…

Et il sortit de la chambre.

Je me jetai sur la couchette. Il se passait en moi quelque chose de bizarre et d’effrayant. À la minute même où j’avais revêtu la livrée de l’ancien cocher, j’avais senti sur ma peau comme une démangeaison… Puis, cette démangeaison, peu à peu, entrait en moi, s’imprégnait en moi, descendit dans ma chair, au plus profond de mes organes, et elle se faisait brûlure… En même temps, d’étranges pensées, troubles encore, montaient à mon cerveau, qui semblait se gonfler de brouillards rouges et de vapeurs de sang…