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— Oh ! la maîtresse voudra bien…

Moi, sous le hangar, je dételais les chevaux. Je murmurai d’une voix mauvaise :

— Pardi !… Il rapporterait le loup-garou, ou bien la piterne, qu’on le remercierait encore, ce chameau-là… Si c’était moi ?… Ah ! malheur !

Je bourrai mes chevaux, et lançai un gros juron.

— Allons ! dit le maître… voilà Ives encore jaloux… Tais-toi, animal. Tu sais que je n’aime pas ça, et je commence à en avoir assez de tes manières.

Je m’exaspérai, et d’un ton aigre :

— Mes manières… Je dis une chose juste, et vous ne me faites pas peur…

Le maître haussa les épaules et ne me répondit pas, et, tandis que, sous le hangar, je continuais de maugréer, il entra dans la maison où la soupe du soir attendait, fumante, sur la table. Je ne tardai pas à venir, ayant rentré mes chevaux… Jean vint ensuite, après avoir disposé un coin vide du clapier, pour son petit lièvre. Le repas fut silencieux. J’avais un air grognon et farouche… Jean, le visage très doux, rêvait, sans doute, aux gentillesses des petites bêtes… Quand nous gagnâmes nos lits, je m’approchai de Jean et lui dis, très bas, les dents serrées :

— Je te ferai ton affaire… va… tu verras…

Jean, très calme, répondit :

— Je ne te crains point…

Et je compris, enfin, pourquoi je détestais Jean… Je