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de colère, rayonnait, tel celui d’un amoureux ou d’un héritier…

Que lui était-il donc arrivé ?… Est-ce que les excursions dans la montagne noire et caverneuse adoucissent les mœurs ?… Cela m’intrigua, de savoir la cause de cette brusque transformation.

— Alors, joyeuse excursion, monsieur Tarte ? demandai-je.

— Excellente, cher monsieur Georges… excellente… oh ! excellente.

Et comme nous étions, à ce moment, arrêtés devant sa chambre, M. Tarte me dit :

— Voulez-vous me faire un grand, grand plaisir ?… Entrez chez moi une minute… oh ! une minute seulement, cher monsieur Georges… car il faut que je vous raconte mon excursion… que je raconte à quelqu’un mon excursion… à quelqu’un de cher… comme vous… Je vous en prie ! J’aime les originaux, les extravagants, les imprévus, ce que les physiologistes appellent les dégénérés… Ils ont, du moins, cette vertu capitale et théologale de n’être pas comme tout le monde… Un fou, par exemple… J’entends un fou libre, comme nous en rencontrons quelquefois… trop rarement, hélas ! dans la vie… mais c’est une oasis en ce désert morne et régulier qu’est l’existence bourgeoise… Oh ! les chers fous, les fous admirables, êtres de consolation et de luxe, comme nous devrions les honorer d’un culte fervent, car eux seuls, dans notre société servilisée, ils