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force de me lancer, jamais je ne l’oublierai… ce regard presque humain, où il y avait de l’étonnement, de la tristesse, de la tendresse, et tant de choses mystérieuses et profondes que j’aurais voulu comprendre… Il respirait encore… Une sorte de petit râle, pareil au glouglou d’une bouteille qui se vide… puis deux secousses, un spasme, un cri, encore un spasme… Il était mort.

Je faillis pleurer…

Je le considérai bêtement dans ma main. Il ne portait aucune trace de violence sur son corps, flasque, maintenant, comme un chiffon ; aucun symptôme apparent de maladie ne se révélait. La veille, il n’était point sorti dans le bois, et, le soir, il avait bu joyeusement, virilement, son verre de fine champagne. De quoi donc était-il mort ? Pourquoi cette soudaineté ?

J’envoyai le cadavre à Triceps qui l’autopsia. Et voici le petit mot bref que, trois jours après, je reçus :


Cher ami,

Intoxication alcoolique complète. Est mort de la pneumonie des buveurs. Cas rare, surtout chez les hérissons.

À toi.

Alexis Triceps.

D. m. p.