de reculer un peu la hantise des montagnes, je m’acharne à rester, par le souvenir, dans cette Bretagne, bien morne aussi pourtant, dans cette Bretagne dont il vient de me retracer des paysages et des figures, et que je connais pour y avoir vécu longtemps… Et d’autres paysages me reviennent à l’esprit… d’autres figures… Je m’y arrête longtemps…
C’est ainsi qu’à Vannes, un jour de sortie, près du collège des Jésuites, je rencontrai un petit monsieur, d’une cinquantaine d’années, qui conduisait par la main, tendrement, un jeune garçon de douze ans. Du moins, je les gratifiai chacun de cet âge. J’ai cette manie de toujours donner un âge aux gens que je frôle un instant et que, sans doute, je ne reverrai jamais plus. Cette manie, je la pousse si loin que, ne me contentant pas de mes propres suppositions, je demande aux amis qui m’accompagnent :
— Dites-moi, regardez cette personne qui passe… Quel âge lui donnez-vous ?… Moi, je lui donne tant…
Nous discutons.
Une fois son âge établi, il me plaît imaginer sur son existence des choses particulièrement affreuses et dramatiques. Et il me semble ainsi que les inconnus me sont moins inconnus.
On s’amuse comme on peut.
Le petit monsieur de cinquante ans était voûté,