Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/363

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ma femme a toujours été malade, depuis que nous sommes ici ; elle n’a pas quitté le lit, monsieur le vicaire… Et il y a beaucoup de travail à la maison.

— Tu es un impie, voilà tout… un hérétique… un montagnard… Et ta femme aussi !… Si tu avais brûlé une douzaine de cierges à notre bonne mère sainte Anne, ta femme n’aurait point été malade. C’est toi qui soignes les vaches, chez M. Le Lubec ?

— Oui, monsieur le vicaire, sauf votre respect.

— Et le jardin ?

— C’est moi aussi, monsieur le vicaire.

— Bon… Et tu t’appelles Morin ?… Enfin, ça te regarde.

Puis, brusquement, il ordonna à la vieille d’enlever le bonnet de l’enfant et sa bavette…

— Est-ce une fille, un garçon ?… Qu’est-ce que c’est que cet enfant ?

— C’est une fille, la chère petite, chevrota la vieille, dont les doigts malhabiles ne parvenaient pas à dénouer les brides du bonnet, une fille du bon Dieu, la pauvre petite enfant !…

— Et pourquoi crie-t-elle ainsi ?… Elle a l’air malade… Enfin, ça la regarde… Dépêche-toi…

Le bonnet enlevé, l’enfant apparut avec son crâne glabre, plissé, marqué, de chaque côté du front, de deux meurtrissures bleuâtres. Le vicaire vit les deux meurtrissures, et il s’écria :

— Mais elle n’est pas venue naturellement, cette fille-là ?