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Comme l’enfant paraissait très faible, la mère ne voulut pas attendre ses relevailles, pour qu’on le baptisât. Elle s’était pourtant bien promis d’assister à cette cérémonie, de conduire elle-même, à l’église, sa fille, pomponnée de rubans blancs. Mais des petits êtres comme ça, c’est si fragile, ça n’a que le souffle ; on ne sait pas ce qui peut arriver, d’un moment à l’autre. S’ils meurent, encore faut-il qu’ils meurent chrétiens, et qu’ils aillent, tout droit, dans le paradis où sont les anges. Et sa fille pouvait mourir. Elle avait déjà, en naissant, le teint plombé des vieilles gens, une peau fripée, des rides au front. Elle ne voulait pas boire, et toujours, grimaçante, elle criait. Il fallait se faire une raison. On chercha, dans le voisinage, un parrain, une marraine de bonne volonté, et l’on se dirigea, une après-midi, vers Sainte-Anne d’Auray, la paroisse, où l’un des vicaires avait été, le matin même, prévenu par le facteur.

Pauvre baptême, en vérité, aussi morne que l’enterrement d’un vagabond. Une vieille voisine obligeante portait l’enfant, empaqueté dans ses langes, et qui criait sous un voile de hasard. Le parrain, en veste bleue, bordée de velours, la marraine, avec sa plus coquette coiffe, venaient derrière ; le père suivait, embarrassé dans son antique redingote, étroite et trop luisante. Il n’y avait