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Deuxième récit :

Mme Lechanteur, veuve d’un commerçant honorablement connu dans le quartier des Halles, avait quitté Paris, au début de l’été, avec sa fille, frêle et délicate enfant de seize ans, un peu triste, un peu souffrante même, et pour laquelle le médecin avait recommandé un repos de plusieurs mois au grand air, en pleine vie champêtre.

— De préférence la Bretagne… avait-il ajouté… Et pas tout à fait sur la côte… et pas… tout à fait… dans la campagne… entre les deux…

Après avoir longtemps cherché un endroit qui lui plût et qui convînt à sa fille, elle avait fini par trouver, à trois kilomètres de la ville d’Auray, sur les bords du Loch, une maison charmante et très ancienne, enfouie dans la verdure, avec une belle échappée sur l’estuaire. Ce qui l’avait décidée, c’est qu’il n’y avait pas de landes alentour, de ces landes mornes comme elle en avait tant vu dans la campagne de Vannes et le pays Gallo. Et puis, le gardien qui l’accompagnait dans sa visite domiciliaire lui avait fait remarquer, en ouvrant les volets, que, du salon, aux heures du flot, on voyait passer des bateaux, toutes les chaloupes du Bonno, petit port de pêche, situé, près de là, au confluent du Loch et de la rivière de Sainte-Avoye.

— Et des légumes ?… Est-ce qu’il y a beaucoup de légumes dans le jardin ? demanda Mme Lechanteur.