d’une vanne, afin de retenir l’eau à marée basse, ou de l’écouler selon les besoins de l’élevage. Ensuite il peupla ces parcs de jeunes bigorneaux, alertes, de belle venue, soigneusement triés parmi ceux qui lui parurent avoir « le plus d’avenir ». Enfin, chaque jour, il leur distribua de la viande. Pour nourrir ses bigorneaux, il se fit braconnier. Toutes les nuits, à l’affût, il tua lapins, lèvres, perdrix, chevreuils, qu’il jetait ensuite, par quartiers saignants, dans ses parcs. Il tua les chats, les chiens rôdeurs, toutes les bêtes qu’attirait l’odeur de la pourriture ou qu’il rencontrait à portée de son fusil. Quand un cheval, une vache crevaient dans le pays, il les achetait, les dépeçait, les entassait, os, muscles et peau, dans ses carrés de pierre, vite devenus un intolérable, un suffocant charnier. Chaque jour, la pourriture montait, montait, empestant l’air, soufflant la mort sur Pontcroix et sur Audierne. Des paysans qui demeuraient à quelques kilomètres de là furent pris, tout à coup, de maladies inconnues, et périrent dans d’atroces souffrances. Des mouches promenaient la mort parmi les bestiaux, à travers les landes, sur les coteaux, dans les prés. Les chevaux bronchaient sur la route, effrayés par l’infâme odeur, et ne voulaient plus avancer, ou bien s’emportaient. Personne ne venait plus rôder sur les bords de la rivière.
On se plaignait… mais en vain…