Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée

coucher au poste cette nuit… et demain, je vous enverrai au Dépôt…

« Et il sonna… Deux sergents se présentèrent… Le magistrat fit un geste… Et, tandis qu’ils emmenaient Jean Guenille au poste, celui-ci gémissait :

» – Ça, par exemple !… Vraiment, je n’ai pas de chance, aujourd’hui… Ces sacrés bourgeois, je vous demande un peu, est-ce qu’ils ne feraient pas mieux de garder leurs portefeuilles dans leurs poches ?… Ça fait pitié !… »


Enfin un cinquième dit :

— Vous m’excuserez si mon écrit est moins gai… On vient d’évoquer de la misère comique… voici de la misère tragique… Elle est tout aussi douloureuse… bien qu’elle ne fasse pas rire…

Et, il commença :

« Un matin, un homme d’une cinquantaine d’années, très pauvrement vêtu, à l’aspect maladif et délabré, aux gestes exaltés, aux propos incohérents, vint sonner à ma porte. Après quelques explications, qui terrifièrent la domestique et qu’elle ne comprit point, il demanda à me voir… Les domestiques n’ont pas le sens du mystère, elles n’aiment point les pauvres gens, et elles redoutent les figures souffrantes, les figures farouches… On lui dit que je n’étais pas chez moi… que je ne rentrerais que fort tard… et que, peut-être… sûrement… je ne rentrerais pas du tout…