Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/318

Cette page n’a pas encore été corrigée

» – Voltaire… fit-il… Diderot… Rousseau… Michelet… Tolstoï… Kropotkine… Anatole France… Oui, tout ça, c’est très beau… Mais à quoi ça sert-il… L’idée dort dans les livres… La vérité et le bonheur n’en sortent jamais…

« Il ramassa ses outils, et s’en alla, triste… triste… »


Un troisième, qui était un propriétaire foncier de Normandie, raconta :

« Le père Rivoli a un mur. Ce mur longe une route. Et il est fort délabré. Les pluies et la pioche du cantonnier en ont miné la base ; les pierres, déchaussées, ne tiennent plus guère, et des brèches s’ouvrent. Il est pourtant joli, avec son aspect de vieille ruine. Quelques iris en couronnent le faîte, des linaires, des capillaires, des joubarbes poussent dans les fentes ; quelques pavots aussi, se pavanent, frêles, entre les interstices des moellons. Mais le père Rivoli n’est pas sensible à la poésie de son mur, et, après l’avoir longuement examiné, après avoir fait remuer les pierres branlantes, comme les dents dans la mâchoire d’un pauvre homme, il se décide enfin à le réparer.

« Il n’a pas besoin du maçon, car il a fait tous les métiers, dans sa vie. Il sait battre le mortier comme il sait raboter une planche, forger un bout de fer, équarrir un chevron. Et puis, le maçon, ça coûte cher et ça n’avance pas dans le travail. Le père