Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/296

Cette page n’a pas encore été corrigée

avait tenté de remettre un peu d’ordre dans la pièce encombrée de ses effractions.

— Laissez, monsieur, laissez, je vous prie… Mon valet de chambre rangera tout cela demain…

Je lui offris un siège, j’en pris un moi-même, et, ayant allumé un cigare, je lui dis, sur un ton encourageant :

— Monsieur, je vous écoute…

Le clubman eût pu se recueillir, comme font tous les héros de roman avant de conter leur histoire. Il évita cette banalité et, tout de suite, il commença :

— Monsieur, je suis un voleur… un voleur professionnel… disons le mot, si vous voulez, un cambrioleur… Vous l’aviez, sans doute, deviné ?

— Parfaitement…

— Cela fait honneur à votre perspicacité… Donc, je suis un voleur. Je ne me suis décidé à embrasser cette position sociale qu’après avoir bien constaté que, dans les temps troublés où nous vivons, elle était encore la plus franche, la plus loyale, la plus honnête de toutes… Le vol, monsieur – et je dis le vol, comme je dirais le barreau, la littérature, la peinture, la médecine – fut une carrière décriée, parce que tous ceux qui s’y destinèrent jusqu’ici n’étaient que d’odieuses brutes, de répugnants vagabonds, des gens sans élégance et sans éducation. Or, je prétends lui redonner un lustre auquel il a droit et faire du vol une carrière libérale, honorable et enviée. Ne