Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

les femmes en voyant passer ce cortège insolite.

Et le maire répondait :

— Ça n’est rien… rentrez chez vous… Ça n’est rien… N’ayez pas peur… C’est le choléra !

Les femmes, plus livides, à cette nouvelle, se répandaient à travers le village, clamant, avec des grimaces d’effroi :

— Le choléra !… le choléra !… le choléra est ici !

Et pendant que tout le monde fuyait, le maire commandait d’une voix retentissante :

— Qu’on aille prévenir le recteur… Qu’il fasse sonner les cloches… Qu’on verse du chlore dans les rues… N’ayez pas peur… Qu’on allume des feux, comme à Marseille…

À l’hospice, le maire voulut soigner lui-même le malade… Il le débarrassa de ses vêtements, le nettoya de ses ordures… Et comme les sœurs étaient un peu pâles, il les réconfortait :

— Vous voyez ?… Je n’ai pas peur… Il ne faut pas avoir peur… Ça n’est rien… Je suis là…

Puis il étendait le corps dans un lit bassiné, le frictionna longtemps avec une brosse, lui posa, au long des flancs, sous les pieds, aux aisselles, sur le ventre, des briques chaudes.

Le matelot grognait, se démenait, repoussait les briques qui lui brûlaient la peau, exhalait des plaintes colères, mêlées à de gros jurons.

— Les crampes… voilà les crampes… Du rhum, vite…