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et de fleurs rares… qui mènent, vers des sépultures sculptées par M. Saint-Marceaux, des généraux glorieux ou des banquiers milliardaires.

Et lui qui, jusqu’ici, s’était cru un bon républicain, qui avait toujours voté pour M. Goblet, il se découvrait, tout à coup, une âme monarchiste. Oui, le salut de la France… le salut du commerce français étaient là… Il fallait revenir aux traditions décoratives, aux cours en fêtes, aux uniformes éclatants à toutes les folies des luxes somptuaires… à la Royauté… ou bien, ma foi !… à l’Empire… En cette minute, il eut un violent mépris pour l’effacement bourgeois de l’apparat républicain… Il sentit profondément, en bon patriote parisien, la ridicule pauvreté… la pauvreté anticommerciale des landaus de M. Émile Loubet… « Landaus de noces », ricanait-il intérieurement… Voitures de noces, aussi, celles qu’il allait voir, dans une minute… Mais quelles noces !… Les noces de la France et de son roi, tout simplement…

Malgré la hauteur inhabituelle où les voitures du marquis avaient véhiculé ses pensées, Chomassus ne perdait point le sentiment de sa propre humilité. Il était naturellement accessible aux grandes choses ; mais il était timide, et il se défiait de soi… Il se disait :

— Le marquis est bien gentil pour moi… Il est parfait pour moi… Il me donne pour un prix dérisoire – c’est certain – pour deux mille francs… des