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refleurir toutes les belles coutumes aristocratiques d’autrefois, comme par exemple la bastonnade. Mais M. le marquis ne daignait pas… Il était bien trop moderne pour cela… et puis, disons-le, il craignait les juges, tout marquis qu’il était. En résumé, le plus honnête homme du monde et qui n’avait point volé sa popularité… Les paysans passent, d’ordinaire, pour être malins et rusés ; les candidats, très souvent, pour être stupides. On a écrit là-dessus des romans, des comédies, des traités de science sociale, des statistiques qui, tous, ont confirmé ces deux vérités. Or, il arrive que ce sont les candidats stupides qui, toujours, roulent les paysans malins. Ils ont, pour cela, un moyen infaillible qui ne demande aucune intelligence, aucune étude préparatoire, aucune qualité personnelle, rien de ce qu’on exige du plus humble employé, du plus gâteux serviteur de l’État. Le moyen est tout entier dans ce mot : promettre… Pour réussir, le candidat n’a pas autre chose à faire qu’à exploiter – exploiter à coup sûr – la plus persistante, la plus obstinée, la plus inarrachable manie des hommes : l’espérance. Par l’espérance, il s’adresse aux sources mêmes de la vie ; l’intérêt, les passions, les vices. On peut poser en principe absolu l’axiome suivant : « Est nécessairement élu le candidat qui, durant une période électorale, aura le plus promis et le plus de choses, quelles que soient ses opinions, à quelque parti qu’il appartienne, ces opi-