Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée

bien, si je pars… écoutez-moi bien… je vous donnerai un million…

— Vraiment ?…

— Je vous le jure, monsieur le docteur… Et si un million ne suffit pas… eh bien ! je vous en donnerai deux…

— Où sont-ils, vos millions, mon pauvre Loqueteux ?

— Ils sont, monsieur le docteur, dans un endroit que je sais… au pied d’un arbre, sous une grosse pierre… Et ils doivent en avoir fait, des petits, depuis le temps !… Mais, chut !… voilà monsieur le directeur qui revient… et qui nous écoute…

Et, le soir même, Jean Loqueteux réintégrait le quartier des fous, et il gémissait avec ses camarades :

— Je suis trop riche… On m’en veut. Je suis trop riche… »

Triceps s’interrompit :

— Sapristi !… Et ma consultation, que j’oubliais…

Il se leva, fit une pirouette, prit son chapeau, et il dit, avec un rire de sonnerie électrique :

— Bast !… Ils sont bien tranquilles, au moins, pendant ce temps-là… Et parodiant la voix et les gestes de M. Rouffat, il cria :

— Vive l’armée ! Mort aux juifs !

Et il sortit dans un tourbillon.