— Et pourquoi ?
— Parce que Dreyfus est un traître, monsieur… et parce qu’il est odieux, souverainement criminel, que ce misérable n’ait pas été, pour l’honneur de la Justice, de la religion et de la patrie, jusqu’au bout de son trop doux supplice !…
Triceps se tordait de rire dans son fauteuil.
— Ah ! tu vois, cria-t-il… Quand je te le disais…
M. Rouffat s’était levé. Il me regarda hostilement, avec des regards presque provocants… Et il s’en alla, en proférant :
— Vive l’armée ! Mort aux juifs…
Lorsque M. Rouffat fut parti, nous restâmes, quelques secondes, à nous regarder, ahuris, Triceps et moi.
— En voilà une canaille !… m’écriai-je, ne pouvant maîtriser plus longtemps l’indignation qui bouillonnait en moi…
— Non… fit Triceps… un fou ! Moi je ne suis pas dreyfusard, et j’ai le droit de ne pas l’être… parce que cela nuirait à ma clientèle… tu comprends ?… Mais lui ?… je te dis que c’est un fou…
Et il partit sur son thème favori de la folie… Et d’observations en observations, et d’histoires en histoires, voici celle que Triceps, entre autres, me raconta, afin de me bien prouver que M. Rouffat était fou, que j’étais fou moi-même, que tout le monde était fou :