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y attendais, quoique ce moyen de défense soit un peu usé… L’affaire est claire, désormais… La preuve est là…

« Et, s’adressant au gendarme, il commanda :

» – Empoignez cet homme…

« En vain j’essayai de bégayer quelques protestations, dans ce genre :

» – Mais je suis un brave homme, je suis un pauvre homme… Je n’ai jamais fait de tort à personne… Je m’évanouis pour rien… pour rien… Je suis innocent…

« Elles ne furent pas entendues. Le monsieur en redingote s’était remis à considérer le cadavre d’un œil profond et vengeur, et le gendarme, pour me faire taire, me bourrait le dos de coups de poing.

« Mon affaire était claire, en effet. Elle fut, du reste, vivement menée. Durant les deux mois que prit l’instruction, je ne pus expliquer, d’une façon satisfaisante, ma pâleur et mon trouble, à la vue du cadavre. Toutes les démonstrations que j’en donnai allaient, paraît-il, à l’encontre des théories criminalistes les plus certaines. Loin de me servir, elles renforçaient de preuves nouvelles « le faisceau » de preuves évidentes, tangibles, irréfutables, que l’on avait de mon crime… Mes dénégations étaient jugées, par la presse, par les psychologues de la presse judiciaire, comme un rare endurcissement. On me trouva lâche, vil, incohérent et maladroit ; on dit de moi que j’étais