Et, pour ne pas tomber – tant je me sentais défaillir – je dus rassembler le peu de forces qui me restaient, et m’accrocher désespérément à la tunique du gendarme.
Je suis un pauvre homme, et je ne peux supporter la vue du sang. Mes veines se vident instantanément, ma tête tourne, tourne, et bourdonne ; mes oreilles ronflent comme des vols de moustiques ; mes jambes amollies chancellent, et je vois danser devant moi des myriades d’étoiles rouges et d’insectes aux cornes de feu ; il est rare que ce malaise ne se termine pas par un évanouissement. Lorsque j’étais jeune, il n’était même pas nécessaire que je visse du sang, il suffisait que j’y pensasse, pour tomber aussitôt en syncope. L’idée seule – non, pas même le spectacle – l’idée seule d’une maladie ignoble, ou d’une opération douloureuse, provoquait, en moi, un arrêt subit de la circulation, une courte mort, avec la suppression totale de la conscience. Aujourd’hui, encore, je m’évanouis, quand me revient le souvenir d’un oiseau inconnu, dont on me servit, un soir, la chair dégoûtante et pourrie.
Devant le cadavre, par un raidissement de ma volonté, par une violente concentration de toutes mes énergies, je ne défaillis par complètement. Mais j’étais devenu très pâle ; mes tempes, mes mains, mes pieds s’étaient glacés du froid de la mort ; et une sueur abondante ruisselait sur tout mon corps. Je voulus me retirer.