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des sept douleurs de la femme. C’est Clara Fistule. Comme vous le voyez, tout cela ne s’accorde pas très bien. Mais il ne faut pas demander de la logique aux génies de dix-sept ans qui ont tout vu, tout senti, tout compris.

« Je reçus Clara Fistule dans mon cabinet de travail. Il commença d’abord par jeter un coup d’œil dédaigneux sur la décoration des murs, sur l’ingénieuse disposition de ma bibliothèque sur mes dessins… J’attendais un compliment.

» – Oh ! moi, fit-il, ces choses-là ne m’intéressent pas… Je ne vis que dans l’abstrait.

» – Vraiment ?… répondis-je un peu piqué… cela doit bien vous gêner quelquefois…

» – Nullement, cher monsieur. La matérialité des meubles, la grossièreté inadéquate des décors muraux, me fut toujours une blessure… Aussi, je suis arrivé à me libérer des contingences… je supprime l’ambiance… je biffe la matière… Mes meubles, mes murs, ne sont que des projections de moi-même… J’habite une maison qui n’est faite que de ma pensée et que, seuls, les rayonnements de mon âme décorent… Mais il ne s’agit pas de cela… Je suis venu pour des choses plus graves.

« Clara Fistule daigna pourtant s’asseoir sur le siège que je lui offrais, que je m’excusais de lui offrir, le sachant si peu en harmonie avec les irradiances de son derrière aérien.

» – Mon cher monsieur, me dit-il, après un geste de